4.4.12

Le complot existe


         « Conspirationnisme » ou lucidité ?…
         L’américanisme d’importation récente — dans la novlangue tutélaire d’Internet qui nous sert à présent de cerveau — « théorie du complot » (platement tiré comme le reste de ces termes à la mode servile franco-française d’une expression télévisuelle étatzunienne : conspiracy theory) vise à renforcer l’esprit de « transparence » et de « divulgation » de Mondeparfait  qui a remplacé Mondelibre dans la représentation du consommateur universel, après la fin de la Guerre Froide. Donc, quiconque soupçonne complot est un paranoïaque à placer sous neuroleptiques (est-ce que ça s’appelle encore comme ça ? On doit avoir découvert des drogues psychotropes plus décervelantes encore, je date certainement, dans ce domaine), dans notre univers « transparent » le complot est impossible. Le bombardement d’informations-minute suffirait à le prouver — s’il ne conduisait à une opacité par surcharge qui éveille les soupçons, tout de même… On doit tirer certaines ficelles quelque part, non ?… Le choix omniprésent dans la production, disait Debord.
         Bref, je ne croyais pas si bien dire, dans un texte à paraître au sein d’un livre recueil de poésies russes, et qui lui sert d’introduction, intitulé, Des Chansons pour les sirènes (Éditions Écarlate, à paraître cette année). Voici l’extrait :
         Plus tard les Américains devaient en faire une science — il est plus malin de séduire que de soumettre — et ils concoctèrent la contreculture, qui s’avéra finalement l’arme la plus puissante de la Guerre Froide, désintégrant des Armées Rouges entières. Le réalisme socialiste n’était pas de taille !…
            Je n’avais du reste aucun mérite. Ayant fréquenté Limonov bien avant Carrière d’Encaustique, le fils à sa mère, je savais quel rôle le rock’n’roll, la Beat Generation, et l’art abstrait, grands vents d’Occident, avaient joué dans la décomposition  du système soviet. Ensuite, pour rédiger Vint, le roman noir des drogues en Ukraine, j’eus la chance de fréquenter Volodiya Moysseev, du club Narcotiques Anonymes de Kiev. Or, il était rentré dans la Réduction des Méfaits, comme on dit au Canada, parce qu’ancien trafiquant de levi’s, de disques des Beatles, et de devises (sous les soviets, bien entendu), il lui fallait se racheter des péchés d’autrefois — nul bandit n’est Robin des Bois — comme on rentre dans les ordres après une vie de tumulte. Il avait de près participé à la décomposition du système soviétique, pourri par les termites et la désillusion, le mépris de la propagande et les drogues, de plus en plus populaires, grâce à leur attrait contreculturel !…
Or, aujourd’hui même, paraît l’information suivante, au lien ci-dessous :
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/04/04/pinceau-arme-lexpressionnisme-abstrait-comme-propagande-de-la-cia/#xtor=RSS-3208

Quand il ne tue pas — en général par marionnette interposée — l'impérialisme est impayable : La CIA tablait sur Jackson Pollock et l'art trotskiste !…
Mais, bien entendu, ce genre de conspiration — les expériences de la CIA avec le LSD figurent au catalogue — ne serait certainement plus possible à notre époque. Soyons sérieux. La novlangue en usage de nos jours ne nous laisse pas d’autre choix de toute façon. Pressentir les calculs du pouvoir et ses noirs desseins machiavéliques est dorénavant signe de schizophrénie paranoïde, très dommageable à ce que Debord (encore !) appelait : Le mouvement autonome du non-vivant.
            Ce n’est pas du tout le genre de Mondeparfait, déontologique, durable, équitable, démocratique. C’est mal le connaître.
TM, avril 2012