21.10.12

Chansons pour les sirènes oubliées

Le traducteur est par définition invisible, pour peu qu'il fasse bien son boulot. Les auteurs, prompts à lui rendre hommage pour qu'il leur rende service, n'hésitent pas à lui tomber dessus pour peu qu'il fasse preuve d'esprit critique. Depuis quand les esclaves ont-ils droit au crachoir ?… Si le traducteur est romancier lui-même, cela se complique encore. La concurrence entre en jeu. L'éditeur lui aussi veut un videur de cendriers obéissant. Pourtant, il n'est pas rare qu'un romancier prête sa voix aux littératures étrangères — en Russie et ailleurs, c'est admis, il faut qu'il gagne sa vie. En Phrance, comme souvent, la situation est pire qu'ailleurs et le traducteur mis plus bas que terre. Un de nos rares amis du "polar", Claude Le Nocher nous a fait la grâce d'une critique qui va au-delà de cette eau de vaisselle — suffisamment inattendu pour le relever au lien ci-dessous :

http://action-suspense.over-blog.com/article-thierry-marignac-des-chansons-pour-les-sirenes-111420946.html
Dans notre lente précipitation à composer le recueil Sirènes, nous avons oublié des bijoux tchoudakoviens, en voici quelques-uns :



COMME IL NOUS EST FACILE…




DE SERGUEÏ TCHOUDAKOV










(Traduit du russe par TM)






Comme il nous est facile de nous vêtir de haillons
Et d’un frac redressant l’épine dorsale
Comme aisément les bobards on avale
Admis comme moulage d’une vulgaire contrefaçon

Les portes des bordels et celles de la prison
J’ouvre à coups de talons
Comme repérer les traîtres nous est facile
Et comme parfois ils peuvent nous être utiles

Restant coincés à deux nez à nez
Comme des enfants en plein bras de fer
Nous vivons dans un climat qui désespère
La mort de la russe poupée

La carte de bibliothèque les clés de l’appartement
Les préservatifs et la monnaie
Notre univers est étroit étonnamment
En détails il est laid

Il t’attirent, ils te paient, te collent dos à la muraille
Plains-toi au Seigneur, priez dans vos bènes et pissez
O mon frère vois en moi vaille que vaille
Le tueur et le cadavre en petites quantités

©Sergueï Tchoudakov, 7 mars 1970
О как мы легко одеваем рванъё
И фрак выпряющий спину
О как мы легко принимаемся вранъё
За липу чернуху лепнину

Я двери борделя и двери тюрмы
Ударом ботинка открою
О как различаем предателя мы
И как он нужен парою

Остались мы с носом остались вдвоем
Как дети к ладошке лаждошка
Безвыходность климата в котором мы живём
И смерть составная матрёшка

Билеты в читальню ключи от квартир
Монеты и презервативы
У нас удивительно маленкий мир
Детали его некрасвы

Заманят заплатят приставят к стене
Мочитесь и жалуйтесь Богу
О брат мой попробуй увидеть во мне
Убийцу и труп понемногу
©Сергей Чудаков, 7 марта 1970
TCHOUDAKOV NÈGRE
(traduit du russe par TM)
Je resterai nègre sous pseudonyme
De bouchon brûlé, je me maquille, je me grime,
Je traverse l’existence en fuite comme un bagnard
De la chair de la foule rien ne me sépare

Dans les réunions à tendance libérale
Les récitals publics de vers à gogo
Il m’est très agréable d’être un corps astral
Un acteur  qui ne dit pas un mot

 À la niche , il faut rentrer, Ô, présomptueux
Lave-toi la gueule à l’eau courante
Jouer les littérateurs est une tâche torturante
Et imaginer une étoile bleue

Capte avec moi le banal quotidien
Continue à tisser une vie de presque rien
Mettre de la confiture dans le thé refroidi
Humblement bavarder avec sa simple amie
© Sergueï Tchoudakov

Останусь псевдонимшиком и негром
Сожженой пробкой нарисую грим
Просуществую  каторжником беглым
От плоти толп ничуть не отделим

На сборищах  с оттенком либералным
В общественных читалищах стихов
Прятно быть мне существом астральным
Актёром не произносившим слов

О суетный ! вернись в свою конуру
О мой лицо  домашнею водой
Мучительно играть в литературу
И притворяться голубой звездой

Постигни как и я  обыкновенье
Короткой жизни продлевая нить
В остывший чай накладывать варенье
С простой подругой скромно говорить
© Сергей Чудаков

L’heure est tardive, on ferme le buffеt
Finie l’alcoolique fête des fous
Le cryptage des vers flambés transparaît
Sur fonds de livres jamais lus jusqu’au bout
Sergueï Tchoudakov.
(Traduit par TM)

Поздний час и буфет запирают
Алкогольный кончается бзик
Шифром гибели стих возникает
На полях недочитанных книг

Сергей Чудаков