4.12.12

Au-delà du cercle polaire II (Plus loin que la vie)







Norilsk, (Suite).
(Traduit du russe par TM).
…Les populations locales — Evenks, Nenets, Dolganes — vivent dans des réserves. Ils ont des problèmes sanguins — cent grammes de vin et ils dormiront pendant vingt-quatre heures ! À la moindre occasion ils essaieront de refiler à leurs « femmes » à leurs hôtes, ils meurent petit à petit et tentent, comme ils peuvent de se sauver. Ils vivent dans une dépendance complète à l’aide de l’État (nourriture, éducation, vacances au « pays », etc).
         Achtung ! Si l’on se prend le bec avec un indigène et que on se fait coincer — galère ! Ils te submergent et peu importe qui a commencé. En revanche, la chasse et la pêche chez eux — c’est super.
         Profitant de l’occasion, je raconterai la variante « pêche civilisée » que m’a montré un vieux blanchi sous le harnais. Il faut revêtir sa « tenue des bois », mais bourrer son sac à dos de vêtements de ville et de conserves, aller à la plus proche réserve et vider son sac. En échange de vin et de conserves on fait le plein d’esturgeon, on se rhabille en vêtements de ville, on esquive les avances des « femmes » indigènes (très difficiles à différencier des hommes sous des couches de crasse accumulée) et en joyeux « vacanciers » on échappe aux garde-chasse, garde-pêche. De retour dans la civilisation, on se goinfre d’esturgeon.


         En général, les gens gagnent bien leur vie. Pour un séjour de deux ans primes d’usine, primes « compensatoires », « doubles » vacances, voyage payé. La salaire moyen pour un travailleur d’usine atteint les mille dollars (2004), mais les prix —Oh, Bonne Mère !…— pratiqués en ville dépouillent littéralement la population, et quant à l’écologie… Norilsk paie des indemnités de pollution au Canada. Je dirai simplement qu’aux personnes ayant travaillé vingt ans sur place ou vécu trente ans en ville, les médecins « déconseillent » de rentrer au pays — il arrive fréquemment que les organismes des septentrionaux ne supportent pas d’êtres transplantés.
         On y trouve la mosquée la plus au nord du monde (bien que ce soit le cas d’à peu près tout). Il y a pas mal de Musulmans. Mais comme partout, n’est-ce pas ? Le chef de la police lui-même porte un nom de famille non-russe. On l’a autrefois guéri de la toxicomanie à l’héroïne. Le théâtre est excellent. Smotounovski y entamé sa carrière créatrice. Le musée — est indigent. La station de ski est fabuleuse — tout le monde la recommande ! Et puis, naturellement, les restaurants cabarets. Les gens du cercle polaire savent et adorent se saouler la gueule. Un palais de glace, un stade, deux salles de concert. La chasse et la pêche défient toute concurrence.
         La criminalité en ville est très faible. Il faut dire que c’est une petite ville — tout le monde se connaît, ayant fait ses études ou travaillé ensemble. Les gens sont occupés à gagner du fric, et ça marche très bien — voler est inutile. Le vol de voitures n’existe pratiquement pas — où irait-on avec ? D’après certains bruits qui courent, les truands de Krasnoïarsk ont envoyé des observateurs dans les années 1990, mais ils sont très vite rentrés chez eux (dans leurs cercueils). Depuis cette époque la ville vit sur ce qui la fonde. Même les flics ont obtenu des autorités de la région le droit de « liquider » eux-mêmes les marchandises confisquées. Après ça, on a vu apparaître les caméras de surveillance. En fait le laboratoire de la police est merdique : ils prennent le PCP pour des amphétamines jusqu’à aujourd’hui.
         La particularité de la défonce en cercle polaire tient à ce que tout est importé. Il ne pousse rien de psychotrope aussi loin au nord. Mais on importe à peu près tout.
         Du hasch d’excellente qualité. En général l’herbe et le hasch ne sont pas à vendre, « conso perso ». Les endroits où s’en procurer sont très éphémères.
         L’héroïne : franchement je ne sais pas (je n’en prenais pas) mais elle était bonne, d’après ce qu’on raconte. Pour l’instant ils ne la coupent pas trop. Les dealers livrent à la maison, grâce à leur Pagers.
         Le Vint (méthamphétamine) est fabriqué avec du Soloutane et de l’éphédrine d’importation, impossible d’en trouver à l’hosto ni dans les pharmacies. Les points de vente sont connus des flics depuis longtemps (j’ai pu moi-même le constater, sous l’œil des caméras de surveillance).
         On distribue l’exta dans les discothèques et les boîtes de nuit.
         Je ne donnerai pas les prix — mes infos datent. Du reste, personne n’ira là-bas. Il faut obligatoirement prendre l’avion ( ça coûte dans les 150 $). Pendant la courte période d’été on peut y aller par voie fluviale, le voyage dure environ une semaine. Je dirai simplement que les prix sont comme à Moscou, plus 30%.
         On peut vivre aussi loin au nord. Mais pour paraphraser une citation d’un film connu :
         « —Venez nous voir si vous passez dans le Cercle Polaire !… — Hum, non, venez plutôt vous !… »
BrosFox
(Article paru dans La revue des groupes à risques, avril 2004)