7.2.14

L'enfance de l'art, réponse à un sondage

Ce monde simpliste, effrayant, condamné, débordant,
Crachat sur cent éclaboussures, je m’y suis fracassé
Foule épaisse encerclant mes semblables et les vouant
Au triomphe définitif des fourmis insensées
Dieu n’existe pas, nul n’a conçu de prothèse
Pour en termes gentleman encadrer ces punaises
Mais un savant surdoué s’empare d’une boîte de zinc
Pour y cloquer une tranche d’uranium 235
Sergueï Tchoudakov, (sans titre, début de l’ère atomique). [1]

Qu'est-ce que l'enfance de l'art ? (réponse au sondage de L'Octombule, Journal de Minuit et des Poussières) :
« Commençant par faire le zouave comme toujours, je dirai que l’art n’a pas d’enfance, il est  une enfance. Et dans ce sens, une vraie calamité. Prenant naissance dans les talismans préservés d’un quelconque naufrage, images, formules ou phrases musicales, trésors secrets jalousement gardés d’une sensualité de chien battu. Ensuite se noue l’intrigue comme les idées s’enlacent dans un cerveau sous perfusion de caféine en vitesse de croisière et roulent sur un toboggan de fortune suivant une pente fatale, à partir des éclairs d’imitation évoqués par Cioran dans les Syllogismes. Rudimentaires cuisines mentales, dont la sauce ne prend que si l’on a suffisamment d’instinct pour ignorer les recettes. C’est sur l’instinct sans doute, et la nécessaire inconscience à doses massives que glosent les ignares, adorateurs de l’exégèse.
Mais ça, c’est l’enfance de l’art, voyez-vous, pour y voir clair, il faut être aveugle, fulguration fugace : pas plus l’âme de la glace que celle du feu. »[2]
TM, Décembre 2013





[1] In Des Chansons pour les Sirènes, trois saltimbanques russes du XXe siècle, éditions l’Écarlate, 2012.
[2] Texte paru dans L’Octombule, Journal de minuit et des poussières, édition du 12 janvier 2014.